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DERNIER CHANTIER (LE)

Un film d’Olivier COUSIN et Xavier POUVREAU
Production : PIROUETTE FILMS/TÉLÉ NANTES
60 mn, 2011

?

Lance-pierres contre gaz lacrymogènes, hélicoptères en observation, le chantier naval Dubigeon à Nantes est, en 1985, le théâtre d’un violent conflit. La gauche, alors aux commandes, joue les arbitres entre les salariés et le groupe Alsthom.
Le pouvoir politique peut-il encore agir au moment où la mondialisation et la désindustrialisation s’amorcent ?
Tous les acteurs, ouvriers, patrons, responsables politiques, témoignent aujourd’hui de ce combat local, annonciateur d’un désordre plus global. L’histoire du dernier chantier nantais est d’autant plus édifiante que la question du travail et de l’industrie, de Nantes à la Corée, en passant par Saint-Nazaire, reste posée aujourd’hui.

LE CONTEXTE DU FILM

En 1986, le lancement du Bougainville signe la fin du chantier Dubigeon. Cet épisode industriel douloureux tourne la pâge de l’histoire navale nantaise née de sa prospérité coloniale du XVIIe siècle, avec un premier chantier crée en 1738. Un dynamisme relancé par la reconstruction de l’après-guerre et le besoin de navires de toutes sortes.
Mais à partir de 1969, un processus de concentration s’engage, réunissant le chantier de Penthoët, fondé en 1861, et les chantiers de la Loire, nés en 1881. Ils sont 10 000 salariés à Saint-Nazaire, 7 000 à Nantes.
Le premier choc pétrolier de 1975 révèle pourtant les faiblesses de cette industrie qui se regroupe pour lutter contre une concurrence internationale de plus en plus vive. Alsthom prend le contrôle de la navale et une nouvelle restructuration conduit à la création du chantier Dubigeon.
Les carnets de commande ne cessent pourtant de se réduire en dépit de la reprise des constructions de paquebots en 1981. Les effectifs qui s’amenuisent sont autant de soubresauts qui ponctuent l’histoire nantaise, avant la fermeture en 1987.
(Ouest France - 12 févier 2011)

« Le dernier chantier » est le second film réalisé par Olivier Cousin et Xavier Pouvreau. Ils se sont d’autant plus intéressés à ce conflit que leurs oncle et grand-père travaillaient aux chantiers nantais.
Ils livrent une étonnante autopsie d’une ville et de ses témoins, 27 ans après l’effondrement de la navale à Nantes.

CE QUE DISENT LES RÉALISATEURS

Ce film s’intéresse au désordre originel, ou plutôt comment et pourquoi, à travers l’exemple du chantier naval nantais, la situation économique et sociale s’est autant détériorée en 30 ans. Pourquoi la France s’est-elle désindustrialisée, pourquoi la politique a-t-elle perdu la partie et pourquoi patrons et salariés se sont-ils affrontés sans jamais se comprendre ?

Dans ces années 80, tout commence bien, pour les ouvriers : la gauche est au pouvoir, François Mitterrand et Pierre Mauroy prônent les nationalisations, le capitalisme n’a qu’à bien se tenir. Et puis coup de théâtre, la crise ! Déjà et toujours... Dans le secteur de la construction navale, premier à être touché par la mondialisation, terme alors inconnu, c’est un bouleversement total. En à peine deux ans, les Coréens raflent la majorité des commandes. Le peuple de gauche, qui vient d’élire François Mitterrand, réclame, dans les ateliers et sur les navires, l’intervention de l’État. Les grands industriels sondent la conjoncture mondiale et veulent, au contraire, un désengagement politique au motif d’un changement de braquet du capitalisme international.

Le pouvoir de gauche hésite, invente « la théorie de la parenthèse » pour ne pas avoir à expliquer que les robinets sont désormais fermés et pour longtemps. En réalité les tenants de l’austérité, Jacques Delors et Laurent Fabius ont gagné, l’assainissement des finances publiques devient déjà la priorité et la politique redistributive a définitivement vécu. L’État n’interviendra plus pour sauver les entreprises.

Tous ces changements échappent, en partie, aux salariés de Dubigeon, tout est une histoire d’échelle. Ce qu’ils voient eux, c’est la disparition d’une activité plusieurs fois centenaire à Nantes, la fermeture programmée du dernier chantier naval de la ville et la perspective, pour la première fois, du chômage. Contre cette fatalité assénée, ils vont se battre avec l’énergie du désespoir, interpellant les médias, les politiques, mettant la pression avec des actions coup de poing. Pendant cinq semaines, ils sont dans la rue tous les jours et se battent. Leur lutte n’est pas vaine, ils obtiendront le reclassement d’un maximum de salariés et négocieront des indemnités et des congés de conversion pour les autres. C e combat ordinaire dans les années 80, avant que la résignation et les actions de désespoir des salariés des années 2000 ne perturbent les JT du soir, a laissé des traces.

Nous avons voulu retrouver, chez les uns et les autres, ce souvenir d’une lutte et d’un rapport de force, au milieu d’un monde en train d’émerger. Évidemment tous les protagonistes n’ont pas vécu ces moments-là de la même façon. Lorsqu’on est ministre, leader syndical ou capitaine d’industrie, les enjeux sont différents et c’est justement cela qu’il nous semblait passionnant de raconter.

Quel regard portent aujourd’hui les acteurs de cette histoire ? Qu’est-ce qui reste pour eux vrai, essentiel ? Qu’est-ce que le temps a rendu illusoire, erroné ou dérisoire ? Dans quelle mesure les logiques des acteurs nantais, salariés, patrons, politiques sont-elles encore valables

Où est la place de Saint-Nazaire, dernier chantier naval français dans un monde où ce sont les rivaux coréens qui sont à leur tour menacés par le géant chinois ?

Si ce film porte une complexité des points de vues, où chacun a ses raisons, pour nous, au regard de la situation économique actuelle, l’option proposée par ceux qui ont défendu une industrie locale, à échelle humaine, ont aujourd’hui un peu plus raison que les autres.

LES PERSONNAGES DU FILM

Les politiques

- Edith Cresson, ministre du redéploiement industriel en 1985. Femme d’état, elle assume les choix faits à l’époque, les déficits publics ne pouvaient continuer à s’accentuer.
- Guy Lengagne, secrétaire d’état chargé de la construction navale. Convaincu par les syndicalistes de maintenir Dubigeon, il n’obtiendra de Mitterrand qu’un sursis de quelques mois avant que le changement de gouvernement ne fasse avaler la pilule de la rigueur au plus réfractaires. Son impuissance symbolise la défaite du politique face à l’économique.
- Didier Lallemand, responsable de la construction navale au ministère de la mer puis de l’industrie. Pour lui, beaucoup de responsables politiques savaient, dès 1983, qu’à court terme la majorité des sites allait fermer. Il revient aussi sur le blanc-seing donné alors par l’État à Alsthom pour la fermeture du Chantier Dubigeon.
- Françoise Verchère, conseillère générale et pétitionnaire "Sauvons la navale". La disparition de milliers d’emplois industriels depuis des années révolte cette élue locale. Elle en veut à une partie de la gauche française et considère que le capitalisme, en se financiarisant, s’est totalement coupé de la réalité de la production.

Les industriels

- Jean-Pierre Desgeorges, PDG d’Alsthom lors de la fermeture des chantiers navals. Sans état d’âme, il exprime ses choix de restructuration pour adapter la construction navale française à la nouvelle donne asiatique.
- Alain Grill, directeur général des chantiers de l’Atlantique-Alsthom à l’époque.Capitaine d’industrie, conscient de la valeur professionnelle de ses collaborateurs, il estime avoir sauvé l’activité en proposant un regroupement des deux chantiers Nantes et Saint-Nazaire.
- Patrick Person, ancien directeur des chantiers Dubigeon. Il a été en première ligne face à la colère ouvrière. Le saccage de son bureau a convaincu Alain Grill qu’il perdait le contrôle sur ses troupes. Pour lui les pouvoirs publics et Alsthom n’ont pas mis tout en œuvre pour sauver Dubigeon, il est le seul, du côté patronal, à penser que le chantier était viable.
- Jacques Hardelay,directeur général actuel du chantier de St Nazaire. Il a fait le choix de positionner son entreprise sur les paquebots de croisière. Pour lui, la survie du chantier de St Nazaire est loin d’être assurée.

Les ouvriers

- Serge Richer, ajusteur chez Dubigeon. Pour lui, la fermeture du chantier est encore douloureuse. Licencié car selon lui, il en fallait « une poignée pour marquer symboliquement le coup ». Il n’a pas digéré cette rupture brutale de sa vie professionnelle.
- Jean Relet, électricien au chantier Dubigeon, est resté sur l’île de Nantes dans les anciens locaux. Il est responsable bénévole dans l’une des associations d’anciens de la Navale. Il nous raconte précisément la lutte des métallos. Leader au caractère bien trempé, combatif, sa virulence a fini par exaspérer le patronat.
- Marcel Guiheneuf, responsable naval de la CFDT, secrétaire du comité d’entreprise de Dubigeon pendant plus de trente ans nous reçoit à Couëron dans sa maison, plaque tournante des négociations. En faisant le tour de son jardin ouvrier, il revient sur ces années de la lutte et les négociations triparties à Nantes ou à Paris avec les pouvoirs publics et la direction. Personnage central des négociations, son rôle clef est souligné par tous.
- Le groupe ouvrier : Jean Péneau, Yannick Chanu, Désiré Depasse, Lionel Bureau.
Tous salariés de Dubigeon, syndiqués, ils se souviennent du coup d’éclat de la rentrée 85, des années de bagarre, de l’incertitude du maintien du chantier, des espoirs et des déceptions. Ces hommes gardent le sentiment d’être partis debout avec dignité.
- Joël Cadoret, syndicaliste et charpentier-fer au chantier de St-Nazaire. Nous comprenons avec lui que 30 ans plus tard, les questions soulevées par le conflit Dubigeon se posent toujours. Après une embellie dans les années 90, les chantiers de Saint-Nazaire sont dans une situation qui rappelle celle de Nantes dans les années 80, mais à une autre échelle. Le capitalisme s’est financiarisé, St-Nazaire est passé d’Alsthom aux norvégiens qui ont vendu aux Coréens qui eux même attendent les propositions des armateurs chinois, la navale française, elle, est toujours aussi menacée.

Les spécialistes

- Jean Baptiste de Foucauld, inspecteur des finances publiques, membre du cabinet de Jacques Delors, témoin des mutations économiques, sociales, politiques des années 80.
Les notions d’accompagnement et de respect des personnes n’ont, à son avis, pas été assez considérées. Pour lui, on n’a pas su mettre en place le système de régulation social qui aurait dû accompagner cette nouvelle donne économique, et 30 ans après, ce n’est toujours pas fait.
- Robert Castel, sociologue.
Pour lui, le capitalisme ne peut pas être moral, mais il peut être intelligent et s’interroger sur les meilleures conditions de production. Ne pas raisonner nécessairement à court terme, avec des options les moins coûteuses et de façon cynique en rendant les travailleurs jetables.

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Olivier COUSIN et Xavier POUVREAU
Image : Olivier COUSIN
Son : Jean-Yves LEGRAND, Romain FRANÇOIS
Montage : Laurence BAZIN
Une coproduction Pirouette Films / Télé Nantes avec la participation de la Région Pays de Loire, du CNC, de la Ville de Nantes, de Nantes Métropole, de la Samoa, de la MHT.

DES ÉLÉMENTS D’INFORMATION

Un dossier de France-Info : Nationalisation : une chance pour des secteurs trop exposés à la mondialisation ?

Sur le site d’EurActiv.fr (Journal en ligne dédié aux politiques de l’Union Européenne et leurs impacts en France) : Des régions européennes repensent l’avenir des chantiers navals

Commentaires

Donner son avis (1 commentaire)
  • Le 16 octobre 2014 à 12h21, par Adamh

    Je trouve votre présentation limpide, ça rend l’ensemble compréhensible par tout un chacun.

    l’assurance auto est elle obligatoire en france !

    assurance automobile pour personne avec dossier criminel

    modele lettre resiliation assurance auto avec loi chatel ou assurance auto pour jeune conducteur en france ! assurance auto .société de l’assurance automobile du québec mont-joli où comparatif assurance auto 50 millions consopour tousteur .

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